Paris, capitale du jazz
Le jazz débarque en France. Dés 1918, les Noirs américains expatriés révélèrent aux Français des danses inconnues et des rythmes excitants. Le Harlem Renaissance se propagea dans Paris.
Jean Cocteau "La première fois que j'ai entendu du jazz, j'ai dressé les oreilles d'un cheval de cirque. Je reconnaissais la musique tant désirée par moi et tant reconnue. Je me suis, en une seconde, rendu compte que ce ne serait pas une mode fugace, mais une forme d'orchestre qui resterait et évoluerait."
Les années folles
Les Français désireux de s'amuser découvrirent grâce aux américains des nouvelles danses comme le charleston. Le quartier des Champs-Elysées et celui de Montmartre accueillent des clubs de jazz (Le Grand Duc, Le Boeuf sur le toit, Le théâtre des Champs-Elysées). Joséphine Baker (1906-1975) arriva à Paris en 1925. Le public la découvrit au Théâtre des Champs-Elysées comme simple danseuse anonyme au sein de la Revue Nègre. Ses danses, sur un rythme de charleston, attiraient Tout-Paris. Elle est restée l'emblème des années vingt et de la naissance du jazz en France.
De ce déferlement de danse américaine, les orchestres de jazz se forment. Dans cette ambiance d'après-guerre, la France s'amuse. Les bals populaires fleurissent dans les villages. A Paris, Les quartiers populaires de Belleville et de Pigalle attirent les musiciens américains et Français.
Le jazz manouche
Pendant les années 30 émergea en France le jazz musette et le manouche. Très vite populaire, le style manouche, basé sur la guitare et le violon s'enrichit au contact des bals de campagne, de la valse musette et bien sûr du jazz.
Django Reinhardt (1910-1953)
Biographie de Django Reinhardt
Les années cinquante, la tradition du swing
En 1945, le monde entier libéré fredonnait In the Mood, Moonlight serenade et les tubes du grand chef d'orchestre Glenn Miller. La France savait ce qu'elle devait à ses libérateurs dont elle chuchotait les airs. Les Français prisaient le Swing. On s'amusait, on dansait le jazz, une musique de fête, symbole d'un avenir qu'on espérait serein après cinq années éprouvantes. A Paris, ce courant populaire et spectaculaire enchantait les clubs de Saint Germain des Prés et d'ailleurs.
Stéphane Grappelli (1908-1997)
Violoniste, pianiste et compositeur français. A l'âge de 4 ans, son père lui offre son premier violon et lui enseigne le solfège. Sa carrière débute dans les orchestres de cinéma muet comme pianiste. Il rencontre Django Reinhardt en 1934 avec lequel il fonde le Quintette du Hot Club de France. Se trouvant en Angleterre au moment de la déclaration de guerre, il y restera jusqu'à la Libération. Il revint en France en 1946 et réforma le Quintette du Hot Club de France. Il entreprend une longue carrière musicale et personnelle dans le monde entier, sans exception. Il enregistre un grand nombre de disques aux côtés de Philip Catherine, Bille Coleman, Martial Solal, Clark Terry, Coleman Hawkins, Didier Lookwood, Yehudi Menuhin, Michel Legrand, Claude Bolling...
Claude Bolling
Né en 1930, il est certainement le chef d'orchestre français le plus connu au monde. Egalement pianiste, compositeur et arrangeur. Dès son enfance, Claude Bolling est nourri de musique classique. En 1945, il monte son premier orchestre. A l'occasion de la Grande Semaine du jazz en 1948, il accompagne la chanteuse Bertha Chippie Hill. Il joue ensuite avec les plus grands musiciens américains (Lionel Hampton, Cat Anderson, Thad Jones, Roy Eldridge...). C'est en 1955 qu'il fonde son premier big band avec lequel il réunit les meilleurs musiciens français. Il travaille également avec des musiciens et des formations classiques (sonate pour deux pianos, concerto pour guitare, Toot Suite, suite pour flûte et piano jazz). Il a composé de nombreuses musiques de film (Borsalino, la série Les Brigades du tigre, Le magnifique).
Claude Luter (1923-2006)
Clarinettiste et saxophoniste soprano, il est considéré pour le grand public comme le bras droit de Sidney Bechet. Son père était un musicien professionnel. Claude a la révélation du jazz en 1938. C'est à 22 ans qu'il entame sa carrière dans des clubs du quartier latin et du 16e arrondissement de Paris.
Au festival de Nice en 1948, Claude Luter et ses Lorientais représentent le jazz français. En 1949, il participe au festival de jazz de Paris où il accompagne Sidney Bechet. Ce dernier fut impressionné de voir un orchestre français jouer aussi bien le vieux style de la Nouvelle-Orléans. Luter demeura toujours fidèle à ce style et à Sydney Bechet qui lui avait tout appris.
Boris Vian (1920-1959)
Journaliste et écrivain français, trompettiste et chef d'orchestre. Etudiant, il s'intéresse au jazz et apprend à jouer de la trompette au Hot Club de France. Il forme ses frères à l'accordéon / guitare et à la batterie. Boris Vian joue avec Claude Luter, ensemble ils ouvrent un club à Saint Germain des Prés. Boris Vian aura marqué l'après-guerre française par sa trajectoire fulgurante. Il accompagna la révolution du jazz par ses activités multiples et son sens de la dérision. Sa personnalité mélange l'ironie et le second degré. Il a écrit L'Ecume des jours et composé entre autre J'suis Snob et Le Blouse du dentiste.
Henri Salvador (1917-2008)
Destiné à l'état d'avocat ou de médecin par son père, Henri Salvador découvre les oeuvres de Louis Amstrong et de Duke Ellington. Arrivé à Paris, Henri commence par jouer de la batterie et de la clarinette et se met à la guitare. En 1934 il se produit à Montparnasse en compagnie de son frère et du pianiste Marcel Mazelin. Il joue avec Django Reinhardt avant de rejoindre l'orchestre de Ray Ventura en 1941. Il se fait connaître du grand public au milieu des années cinquante grâce à ses parodies rock and roll écrites par Boris Vian.
Sydney Bechet (1897 (ou 1891) - 1959)
Saxophoniste, clarinettiste, compositeur et chef d'orchestre. Après avoir joué à la Nouvelle-Orléans avec George Bacquet, Big Eye Louis Nelson, Lorenzo Tio, Silver Bell Band, Olympia Band, King Oliver... Sydney Bechet débarque en Europe à Londres puis à Paris. Il tourne avec la Revue Nègre.
En 1925, il est condamné à 15 mois de prison pour avoir tiré au révolver sur un autre musicien. Il sera expulsé de France. Il reviendra trente ans plus tard. Avec les orchestres de Claude Luter et d'André Reweliotty, il créa Petite Fleur (1952), Les Oignons (1949), Dans les rues d'Antibes (1952).
Ces titres furent des succès de juke-box accessibles à tous les publics. D'autres musiciens émigrés trouvaient du travail dans la capitale (Bill Coleman, Memphis Slim, Bud Powell, Luther Allison). Sydney Bechet est mort à Saint-Cloud. Son vibrato allait tout droit au coeur de l'auditoire.